Numéro Spécial – Projet de loi de finances pour 2011
"La loi des deux mondes"
par Daniel Schmidt
Le projet de loi de finances semble vouloir marquer très clairement deux mondes distincts :
- le monde régulé des fonds et holdings passives, astreint à des clauses anti-abus, quotas et délais d'investissement, enfermé dans un investissement de 1.5 M€ par cible et par an,
- le monde de la liberté commerciale des holdings animatrices, astreintes à aucune contrainte, mais ne pouvant défiscaliser plus de 1.5 M€ d'IR et d'ISF par an.
Cette diversité des mondes peut être critiquée. On dira que le monde régulé des fonds subit une trop forte concurrence du monde libre des holdings animatrices. Et certains peuvent être tentés de réduire la liberté de ces dernières pour les soumettre au même niveau de contrainte.
Une autre approche consiste à respecter la liberté et à désinserrer le carcan encadrant le monde des fonds. Cette démarche parait beaucoup plus positive. Ce n'est pas en interdisant à certains de travailler que les affaires des autres seront forcément meilleures.
Supprimer le nombre d'associés maximum des holdings passives, porter la réduction d'ISF des fonds à 50.000€ par an comme pour les investissements directs seraient des mesures simples et respectueuses des principes, rétablissant une saine concurrence entre ces deux mondes d'investissement. Il n'en faudrait pas plus. Mais pas moins non plus.
Apercu du PLF 2011
Nous vous proposons ci-après un aperçu des principales mesures figurant dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2011. L'objectif est de vous préparer aux mesures qui pourraient entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2011, voire dès à présent pour certaines.
Le PLF contient des dispositions intéressant :
- la fiscalité des entreprises (I.),
- la fiscalité des investisseurs, personnes physiques (II.),
- les conditions et modalités des investissements réalisés dans des entreprises, directement ou indirectement, éligibles à la réduction d'IR ou d'ISF (III.).
I. Fiscalité des entreprises
1. Remboursement anticipé du crédit d'impôt recherche (art 16)
- Situation actuelle
Le crédit d’impôt recherche (CIR) s’impute sur l’impôt sur les bénéfices dû au titre de l’année au cours de laquelle les dépenses de recherche ont été engagées. Dans l’hypothèse où le montant du crédit d’impôt excède le montant de l’impôt dû, l’excédent constitue une créance sur l’État utilisée pour le paiement de l’impôt sur les bénéfices dû au titre des trois années qui suivent celle au titre de laquelle la créance est constatée.
A titre dérogatoire, certaines entreprises (entreprises nouvelles, entreprises faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde ou d’une procédure collective, jeunes entreprises innovantes, entreprises de croissance) s'étaient vues reconnaitre la possibilité d'obtenir la restitution immédiate de leur créance.
Compte tenu de la crise économique, cette mesure avait été étendue à toutes les entreprises mais de manière temporaire.
- Situation nouvelle (PLF)
Le projet de loi de finances :
- élargit la possibilité de remboursement immédiate aux PME au sens du droit communautaire (moins de 250 salariés et soit CA = 50 M€ soit total de bilan = 43 M€),
- ne reconduit pas la mesure conjoncturelle de remboursement immédiat applicable à toutes les entreprises qui prend donc fin au 31/12/2010.
- Entrée en vigueur : aux crédits d’impôts calculés au titre des dépenses exposées à compter du 1er janvier 2010.
2. Régime mère-filles : suppression du plafonnement de la quote part de frais et charges à ceux réellement engagés (art 6)
- Situation actuelle
Dans le cadre du régime mère-filles, les dividendes perçus par une société mère de ses filiales, dont elle détient au moins 5 % du capital, sont exonérés d’impôt sur les sociétés. Toutefois, une quote-part de frais et charges, égale à 5 % du montant des dividendes perçus est réintégrée au résultat de la société mère. Néanmoins, si le montant des frais et charges réellement engagés représentaient moins de 5% des dividendes, la mère n'était imposée que sur ce montant.
- Situation nouvelle (PLF)
Cette limitation aux frais et charges réellement engagés disparait. La mère sera donc toujours imposée à hauteur d'une quote-part forfaitairement arrêtée à 5%.
- Entrée en vigueur : 1er janvier 2011
II. Fiscalité des INVESTISSEURS
1. Contribution supplémentaire de 1 % sur les hauts revenus et sur les revenus du capital (art. 3, 4, 5)
- Disposition applicable à compter des revenus de 2010
Pour les revenus de 2010 (IR payé en 2011), la dernière tranche du barème de l'IR passe de 40% à 41%.
- Dispositions applicables à compter des revenus de 2011
- Pour les revenus de 2011 (IR payé en 2012) :
- dividendes et intérêts:
- le crédit d’impôt attaché aux dividendes est supprimé,
- le taux du prélèvement forfaitaire libératoire est augmenté d'un point. Il passe de 18% à 19%.
- plus-values mobilières:
- elles sont imposées dès le premier euro car le seuil d'imposition (25.830 €) est supprimé,
- le taux d'imposition est augmenté d'un point. Il passe de 18% à 19%.
2. Rabot des niches fiscales (art 58)
Le rabot concerne exclusivement les niches fiscales en matière d'IR. L'ISF n'est pas concerné. Ce rabot s'applique sur la quasi-intégralité des niches fiscales soumises au plafonnement global des niches fiscales, dont le Madelin, les FIP et FCPI.
- Le taux de réduction d'IR est diminué de 10%.
Ainsi, la réduction d'IR pour investissement dans des PME, directement (Madelin) ou indirectement (via FIP/FCPI) passe de 25% à 22%.
- Entrée en vigueur : à compter de l'imposition des revenus de l’année 2011. Cela concerne donc les investissements réalisés à compter de janvier 2011 dans des sociétés, des holdings ou des Fonds.
III. RÈGLES d'INVESTISSEMENT
Nous ne présenterons ici que les règles nouvelles applicables en matière d'IR et d'ISF à l'investissement dans des PME, prévues par le PLF aux articles 13 et 14.
1. Dispositions communes (direct, holdings et Fonds)
(i) Applicables aux cibles
a. Exclusion de certains secteurs d'activités
- exclusions générales:
- activités procurant des revenus garantis en raison de l’existence d’un tarif réglementé de rachat de la production,
- activités financières,
- activités immobilières.
- exclusions particulières:
- les actifs de la cible ne sont pas constitués de façon prépondérante de métaux précieux, d’œuvres d’art, d’objets de collection, d’antiquités, de chevaux de courses ou de concours ou, sauf si l’objet même de son activité consiste en leur consommation ou en leur vente au détail, de vins ou d’alcools,
- la cible n’exerce pas une activité de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil.
b. Euro-compatibilité du dispositif
- la cible est en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion au sens des lignes directrices communautaires européennes,
- la cible n’est pas qualifiable d’entreprise en difficulté au sens des lignes directrices communautaires,
- la cible ne relève pas des secteurs de la construction navale, de l’industrie houillère ou de la sidérurgie,
- le montant des versements réalisés au sein de la cible n’excède pas un plafond fixé par décret, qui ne peut dépasser une somme de 1,5 million d’euros par période de douze mois.
Si les conditions du b. ne sont pas respectées par la ou les cibles, le dispositif est soumis aux aides de minimis (200.000 euros sur 3 exercices fiscaux).
De même, si le FCPI investit au titre de son quota de 60% dans des entreprises dont l'effectif est compris entre 250 et 2.000 salariés, le montant des versements par cible sera plafonné à 200.000 € sur 3 exercices fiscaux.
c. Autres:
- les souscriptions au capital de la cible confèrent aux souscripteurs les seuls droits résultant de la qualité d’actionnaire ou d’associé, à l’exclusion de toute autre contrepartie notamment sous la forme de tarifs préférentiels ou d’accès prioritaire aux biens produits ou aux services rendus par la société,
- la cible n’accorde aucune garantie en capital à ses associés ou actionnaires en contrepartie de leurs souscriptions,
- en matière d'IR, la cible ne doit pas avoir dans les douze mois précédent l'investissement, procédé au remboursement, total ou partiel, de ses apports.
(ii) Applicables aux investisseurs
- les souscripteurs ne peuvent se faire rembourser leurs apports pendant les 10 ans qui suivent leur investissement, sauf liquidation judiciaire de la société,
- les titres ayant ouvert droit à la réduction d'IR ne peuvent donner droit à la réduction d'ISF (et inversement), alors que le texte ne visait jusqu'à présent que "la fraction du versement" et et ne peuvent figurer sur un PEA.
2. Dispositions particulières aux holdings
- en matière d'IR, la holding ne doit pas avoir, dans les douze mois précédent l'investissement, procédé au remboursement, total ou partiel, de ses apports,
- les actifs de la holding ne sont pas constitués de façon prépondérante de métaux précieux, d’œuvres d’art, d’objets de collection, d’antiquités, de chevaux de courses ou de concours ou, sauf si l’objet même de son activité consiste en leur consommation ou en leur vente au détail, de vins ou d’alcools,
- la holding n’est pas qualifiable d’entreprise en difficulté au sens des lignes directrices communautaires,
- la holding n’accorde aucune garantie en capital à ses associés ou actionnaires en contrepartie de leurs souscriptions,
- la holding ne compte pas plus de cinquante associés ou actionnaires,
- la holding a exclusivement pour mandataires sociaux des personnes physiques,
- la holding communique à chaque investisseur, avant la souscription de ses titres, un document d’information qui précise notamment les modalités de calcul et la décomposition de tous les frais et commissions, directs et indirects, ainsi que le nom du ou des prestataires de services d’investissement chargés du placement des titres
- la holding doit informer annuellement ses investisseurs du montant détaillé des frais et commissions, directs et indirects qu'ils supportent et des conditions dans lesquelles ces frais sont encadrés[1],
- la holding doit adresser à l’administration fiscale, avant le 15 février de l’année suivante un état récapitulatif des sociétés financées, des titres détenus ainsi que des montants investis durant l’année.
3. Dispositions particulières aux Fonds
(i) Dispositions communes aux Fonds
- en matière d'IR, les sous-ratios d'amorçage de 6% des FCPI et de 10% des FIP disparaissent,
- en matière d'ISF, les sous-ratios d'amorçage de 20% des FCPI et de 40% des FIP disparaissent,
- les FIP et FCPI doivent respecter un quota minimum de 40% de titres de capital en sociétés éligibles (ce qui exclut les titres donnant accès au capital),
- les entreprises éligibles doivent comprendre au moins 2 salariés,
- les FCPR agréés ou allégés n'ouvrent plus droit à la réduction d'ISF,
- Pour être éligibles à la réduction d'ISF, les FCPI et FIP doivent respecter toutes les conditions prévues en matière d'IR. Mais la réduction d'ISF est toujours déterminée par transparence, c'est à dire au regard du pourcentage que le Fonds s'est engage à investir dans des entreprises éligibles.
- les porteurs de parts sont informés annuellement du montant détaillé des frais et commissions, directs et indirects, qu'ils supportent et des conditions dans lesquelles ces frais sont encadrés[2],
- la société de gestion adresse chaque année à l’AMF, avant le 15 février de l’année suivante, un état récapitulatif des sociétés financées, des titres détenus ainsi que des montants investis durant l’année.
- la réduction d'IR est reconduite jusqu'en 2012,
- la réduction d'IR est calculée sur le montant des versements, après déduction de l'ensemble des frais et commissions,
(ii) Dispositions particulières aux FIP
- le caractère régional des FIP disparait : il pourra donc être institué des FIP investissant dans toute la Communauté Européenne, voire des FIP dédiés à un pays européen,
- les actions de SCR, les parts de FCPR et les actions de sociétés de caution mutuelle ne sont plus éligibles au quota de 60%
(iii) Dispositions particulières aux FCPI
- les parts de carried interest de FCPI ne peuvent donner droit à la réduction d'IR (la loi ne l'excluait que pour les FIP),
- les entreprises éligibles au quota de 60% sont :
- * soit des PME au sens du droit communautaire (donc moins de 250 salariés), auquel cas le FCPI pourra réaliser des versements allant jusqu'à 1.5 M€ par PME et par an,
- * soit des entreprises dont l'effectif est compris entre 250 et 2.000 salariés, auquel cas l'investissement sera limité par entreprise à 200.000 € sur 3 exercices fiscaux.
4. Amendes fiscales
Sont sanctionnés par une amende fiscale :
- le non-respect des quotas d'investissements des FCPR fiscaux, des FCPI ou FIP : l'amende, plafonnée jusqu'à présent à la moitié de la commission de gestion annuelle, est désormais limitée à 1 an de commission de gestion,
- le non-respect de l'obligation d'information des investisseurs sur les frais ou des règles d'encadrement des frais dans les holdings et les fonds : l'amende, plafonnée jusqu'à présent à la moitié de la commission de gestion annuelle, est désormais limitée à 1 an de commission de gestion,
- le non respect de l'obligation d'information préalable de la holding : amende de 10% du montant des souscriptions ayant ouvert droit à l'avantage fiscal, plafonnée à 1 an de commission de gestion,
- le non respect de l'obligation de reporting à l'administration fiscale des sociétés financées p ar les holdings : amende de 10% du montant des souscriptions ayant ouvert droit à l'avantage fiscal, plafonnée à 1 an de commission de gestion.
5. Entrée en vigueur des règles d'investissement
(i) Principe
Les nouvelles dispositions s’appliquent aux souscriptions effectuées à compter du 1er janvier 2011 soit dans des sociétés, soit dans des fonds d’investissement constitués à compter de cette même date.
(ii) Exceptions :
- Photovoltaïque
Les souscriptions réalisées, directement ou indirectement au travers d'une holding, à compter du 29 septembre 2010 ne peuvent être utilisées pour investir dans une société exerçant une activité de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil.
- Fonds constitués avant le 01/01/2011 (Fonds IR 2010 notamment )
- les investissements réalisés jusqu'au 31/12/2010 doivent être conformes aux règles actuellement en vigueur.
- les investissements réalisés à compter du 01/01/2011 doivent être conformes aux nouvelles dispositions. Toutefois, les investissements des Fonds pris en compte dans le quota de 60 % et qui sont réalisés par le fonds à compter du 1er janvier 2011 demeurent soumis aux dispositions anciennes mais uniquement dans la limite des montants souscrits à la date du 29 septembre 2010.
- Amendes
Les nouvelles dispositions en matière d'amende s'appliquent à compter du 1er janvier 2011.
- Attestation des FCPI/FIP
La nouvelle attestation à adresser par les FCPI et FIP s’applique aux montants investis par les fonds à compter du 1er janvier 2011.
Calendrier :
- Assemblée Nationale : discussion en séance publique du 18 octobre au 17 novembre
- Sénat : discussion en séance publique du 18 novembre au 7 décembre
- Commission mixte paritaire : vers la mi-décembre
- publication au JO : au plus tard le 31 décembre 2010
« Leaders d’Opinion » est également disponible sur notre site Internet, dans la rubrique News and Publications, sous Newsletters : www.proskauer.com
[1] le principe de l'information des souscripteurs et de l'encadrement des frais n'était prévu que pour les Fonds et les holdings ISF. Il est désormais étendu aux Fonds et holdings IR sans toutefois viser le "direct – intermédié" (mandats de gestion ou de conseil). Surtout, l'encadrement ne concernait que les frais de distribution. Désormais, tous les frais seront encadrés, y compris les frais de gestion conformément au projet de décret qui devrait être publié dans le courant du mois d'octobre. Celui-ci prévoit un encadrement contractuel dans le sens où la holding ou la société de gestion s'engagera à ne pas dépasser un certain montant de frais.
[2] voir note de bas de page n°1 ci-dessus.