Analyse et revue du régime fiscal et social du carried interest
A l’occasion de l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 (LFSS 2010), nous vous proposons :
- une analyse des dernières modifications apportées par la LFSS 2010 (1),
- une revue générale du régime fiscal et social du carried interest (2).
1- DERNIÈRES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA LFSS 2010
1.1. La création d'une contribution salariale spécifique de 30%
a. Champ d'application:
Seront soumis à une contribution salariale spécifique :
- les distributions (intérêts, dividendes, plus-values…) tirées des parts de FCPR, actions de SCR et droits représentatifs d'un placement financier dans une entité mentionnée au dernier alinéa du 8 du II de l'article 150-0 A (entité, constituée dans un État membre de la Communauté européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale et dont l'objet principal est d'investir dans des sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers français ou étranger), et
- les gains nets réalisés à l'occasion de la cession ou du rachat des parts, actions et droits susvisés,
mais seulement si ces distributions et gains sont imposables à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires.
La contribution salariale spécifique ne sera donc due que si les parts, actions et droits de carried interest ne respectent pas les conditions "Arthuis".
b. Taux de la contribution:
Le taux de cette contribution sociale est de 30%.
Cette contribution ayant un effet "libératoire", elle devrait libérer les sommes auxquelles elle s'applique de toute autre taxe ou charge de nature sociale. En particulier, les prélèvements sociaux dus sur les revenus du patrimoine (CSG, CRDS…), dont le taux est actuellement de 12.1%, ne devraient être dus.
Cette contribution est "établie, recouvrée et contrôlée dans les conditions et selon les modalités prévues au III de l'article L. 136 6". Cet alinéa III dispose que "la contribution portant sur les revenus mentionnés aux I et II ci-dessus est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu" et que "la contribution mentionnée au II bis dont l'assiette est calculée conformément aux dispositions de l'article 150-0 D du code général des impôts".
Il en résulte que la contribution devrait donc être assise sur le montant des distributions et gains nets, avant impot sur le revenu. D'ailleurs, pour reprendre les termes de la loi, la contribution est "assise sur les distributions et gains nets mentionnés à l'article 80 quindecies du code général des impôts qui …..sont imposables à l'impôt sur le revenu".
De même, devraient être compris dans le revenu imposable, "les distributions et les gains nets", avant contribution salariale.
Ainsi, selon notre analyse, les parts et actions de carried interest qui ne respectent pas les conditions "Arthuis" pour bénéficier du régime fiscal du carried devraient être imposées comme suit:
Sur 100 euros de distribution, le salarié devrait être redevable de 30€ au titre de la contribution salariale et de 40€ au titre de l'impot sur le revenu, soit un taux effectif d'imposition de 70% (contre 30.1% en cas de respect des conditions "Arthuis").
Par ailleurs, du fait du renvoi opéré vers les règles de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, qui traite de la CSG et de la CRDS, on peut se demander si la contribution salariale ne serait pas au moins partiellement déductible du revenu global imposable, comme l'est la CSG. Mais, il semble que cela ne soit pas le cas. En effet, cette règle de déductibilité ne concerne que la CSG et figure à l'article 154 quinquies du CGI. A défaut de renvoi expres, il semble donc que la contribution salariale ne soit pas déductible.
Enfin, du fait du renvoi aux dispositions du III de l'article L.136-6, une majoration de 10% devrait être exigible à défaut de règlement de la contribution dans les trente jours suivant sa mise en recouvrement.
c. Personne redevable:
Cette contribution sera due par le salarié ou le dirigeant bénéficiaire du carried interest. Le risque social encouru par la société de gestion, la SCR, l'entité d'investissement ou la société prestataire de service devrait donc être écarté.
d. Entrée en vigueur
Cette contribution sera due pour les distributions et gains nets afférents :
- aux FCPR créés à compter du 1er janvier 2010,
- aux actions et droits de SCR et entités émis à compter de cette même date.
Remarque :
La loi ne règle le régime social que pour l'avenir. Elle ne dit pas quel pourra être le régime social applicable aux distributions et plus-values ayant trait à des parts de carried interest de Fonds (ou actions et droits), fiscalement soumis à l'impôt sur le revenu, notamment pour les Fonds créés entre le 30 juin 2009 et le 31 décembre 2010 (ou les actions et droits émis à compter de cette date):
- la contribution salariale est-elle exclue pour ces Fonds puisque la loi dispose qu'elle ne s'applique qu'aux Fonds créées à compter du 1er janvier 2010?
- faut-il en déduire qu'aucune charge ou contribution sociale ne sera exigible pour ces Fonds?
La loi n'apporte pas de réponses à ses interrogations.
1.2. La création d'une nouvelle obligation déclarative
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a également introduit une nouvelle obligation déclarative. Celle-ci est déconnectée de la contribution salariale puisqu'elle s'applique:
- quel que soit le régime fiscal et social applicable aux parts et actions de carried,
- quelle que soit la date de création des Fonds ou d'émission des actions.
a. Sur qui pèse cette obligation déclarative ?
Elle concerne :
- les sociétés de capital-risque (SCR),
- les sociétés de gestion de FCPR, FCPI et FIP,
- les "sociétés de gestion de sociétés de capital risque". Il faut en fait comprendre les sociétés qui réalisent pour des SCR des prestations de services liées à la gestion du portefeuille de ces dernières,
- les entités de capital-investissement visées au 1 (holdings d'investissement, SICAR, Limited Partnership…),
- les sociétés qui réalisent des prestations de services liées à la gestion des fonds communs de placement à risques, des sociétés de capital risque ou des entités précitées,
qui emploient un ou plusieurs salariés ayant bénéficié d'une distribution liée à des parts, actions ou droits de carried interest (ou qui sont dirigées par une personne ayant bénéficié d'une distribution liée à des parts, actions ou droits de carried interest).
Remarques :
Certaines entités de capital-investissement n'ont pas la personnalité morale. Il en est ainsi de certains Limited Partnership. Ces entités seront-elles néanmoins soumises à ces obligations?
Par ailleurs, dans le cas de sociétés de gestion qui conseillent des SCR du groupe, les deux structures devront-elles adresser des obligations déclaratives? Qu'en est-il, pour les sociétés qui conseillent des Limited Partnership?
Enfin, pour certaines structures, l'accomplissement de cette obligation peut être difficile. Il en est ainsi de la société qui gère suivant un mandat de conseil en tout ou en partie le portefeuille d'une SCR. Celle-ci n'est pas nécessairement en mesure de déclarer le montant que l'un de ses salariés a perçu.
C'est pourquoi, la loi précise que "la société de gestion ou, le cas échéant, le dépositaire des actifs, des sociétés de capital risque, des fonds communs de placement à risques et des entités" fournit aux structures tenues de s'acquitter de l'obligation déclarative les informations nécessaires. On ne peut que regretter la rédaction maladroite de cet article : les SCR et les entités d'investissement du type SA ou LP n'ont pas de dépositaire. De même, les SCR ne sont en principe pas gérées par des sociétés de gestion…
b. En quoi consiste cette obligation déclarative ?
La déclaration prévue à l'article 242 ter du CGI doit mentionner :
- l'identité et l'adresse des salariés et dirigeants qui ont bénéficié de gains nets et distributions,
- le détail du montant de ces gains et distributions par bénéficiaire.
Mais les distributions et gains concernés sont ceux "mentionnés au 8 du II de l'article 150 0 A, aux deuxième à huitième alinéas du 1 du II de l'article 163 quinquies C et à l'article 80 quindecies". Cela signifie que cette obligation déclarative doit être effectuée indépendamment du régime fiscal et social applicable, que les distributions et gains soient imposés selon le régime des plus-values mobilières ou des traitements et salaires.
c. Forme, date de dépôt et sanctions
Les informations ci-dessus visées figureront sur "la déclaration prévue à l'article 242 ter". Il s'agit de l'imprimé fiscal unique ou IFU qui est adressé par les personnes qui assurent le paiement de revenus mobiliers pour chaque bénéficiaire. Celui-ci doit être produit à l'administration fiscale au plus tard le 15 février de l'année qui suit la mise en paiement des revenus.
Le défaut de déclaration est sanctionné par une amende fiscale égale à 50% du montant des sommes non déclarées. Toutefois, aucune amende n'est due, en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. Cette amende sera due par les personnes tenues de déclarer ces revenus, c'est-à-dire par les sociétés de gestion, SCR, entités, prestataires de services…
d. Date d'entrée en vigueur de la déclaration
Ces nouvelles informations devront figurer sur les déclarations IFU déposées à compter du 1er janvier 2010. Le 15 février 2010 au plus tard devront donc être adressées les déclarations IFU complétées du montant des gains et distributions perçus au cours de l'année civile 2009.
N.B. : vous trouverez en fin de document le texte adopté dans le cadre de la LFSS pour 2010. Sous réserve d'un rejet en commission mixte paritaire et d'un contrôle du conseil constitutionnel, le texte devrait être publié à la mi-décembre.
2- REVUE GÉNÉRALE DU RÉGIME FISCAL ET SOCIAL DU CARRIED INTEREST : TABLEAU DE SYNTHÈSE
Date de création ou émission |
Conditions pour bénéficier du régime fiscal du carried |
Régime fiscal et social du carried interest en cas de respect des conditions |
Régime fiscal et social applicable en cas de non respect des conditions |
Obligations déclaratives |
Avant le 30 juin 2009 |
Celles de l'instruction fiscale du 28 mars 2002: - FCPR et SCR - une seule catégorie de parts - un investissement en capital - une rémunération normale - ne pas être détenteur de parts ou actions ordinaires donnant droit aux exonérations d'impôt |
- plus-values mobilières (18.1%)
- prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine (12.1%) |
- régime fiscal des traitements et salaires ou des bénéfices non commerciaux
- silence sur le régime social |
Déclaration IFU à compter du 1/01/2010 |
Entre le 30 juin 2009 et le 31 décembre 2009 |
Celles de l'article 150-0 A du CGI: - FCPR, SCR, Entités, - souscription ou acquisition moyennant un prix correspondant à leur valeur - une seule et même catégorie de parts ou actions - elles représentent au moins 1 % du montant total des souscriptions dans le fonds ou la société ou, à titre dérogatoire, un pourcentage inférieur - les sommes auxquelles elles donnent droit sont versées au moins cinq ans après la date de la constitution du fonds ou de l'émission de ces actions et, pour les parts de FCPR, après remboursement des apports des investisseurs ordinaires -une rémunération normale
|
- plus-values mobilières (18.1%)
- prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine (12.1%) |
- régime fiscal des traitements et salaires (jusqu'à 40%)
- silence sur le régime social |
Déclaration IFU à compter du 1/01/2010 |
A compter du 1er janvier 2010 |
Mêmes conditions que ci-dessus |
Même régime fiscal que ci-dessus |
- régime fiscal des traitements et salaires (jusqu'à 40%) - contribution salariale (30%) |
Déclaration IFU à compter du 1/01/2010 |
*******************
Article 17 ter
I. – Le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 10 ainsi rédigée :
« Section 10
« Contribution salariale sur les distributions et gains nets afférents à des parts de fonds communs de placement à risques, des actions de sociétés de capital risque ou des droits représentatifs d'un placement financier dans une entité mentionnée au dernier alinéa du 8 du II de l'article 150 0 A du code général des impôts
« Art. L. 137 18. – Il est institué une contribution sociale libératoire au taux de 30 % assise sur les distributions et gains nets mentionnés à l'article 80 quindecies du code général des impôts qui, en application du même article, sont imposables à l'impôt sur le revenu au nom des salariés et dirigeants bénéficiaires selon les règles applicables aux traitements et salaires. Elle est mise à la charge de ces salariés et dirigeants et affectée aux régimes obligatoires d'assurance maladie dont ils relèvent.
« Cette contribution est établie, recouvrée et contrôlée dans les conditions et selon les modalités prévues au III de l'article L. 136 6. »
II. – Après l'article 242 ter B du code général des impôts, il est inséré un article 242 ter C ainsi rédigé :
« Art. 242 ter C. – 1. Les sociétés de capital risque, les sociétés de gestion de fonds communs de placement à risques ou de sociétés de capital risque et les entités mentionnées au dernier alinéa du 8 du II de l'article 150 0 A, ou les sociétés qui réalisent des prestations de services liées à la gestion des fonds communs de placement à risques, des sociétés de capital risque ou des entités précitées, sont tenues de mentionner, sur la déclaration prévue à l'article 242 ter, l'identité et l'adresse de leurs salariés ou dirigeants qui ont bénéficié de gains nets et distributions mentionnés au 8 du II de l'article 150 0 A, aux deuxième à huitième alinéas du 1 du II de l'article 163 quinquies C et à l'article 80 quindecies ainsi que, par bénéficiaire, le détail du montant de ces gains et distributions.
« 2. Pour l'application des dispositions du 1, la société de gestion ou, le cas échéant, le dépositaire des actifs, des sociétés de capital risque, des fonds communs de placement à risques et des entités mentionnées au dernier alinéa du 8 du II de l'article 150 0 A fournit aux personnes mentionnées au 1 les informations nécessaires en vue de leur permettre de s'acquitter de l'obligation déclarative correspondante. »
III. – Le I s'applique aux distributions et gains nets afférents aux fonds communs de placement à risques créés à compter du 1er janvier 2010 et, pour les sociétés de capital-risque et les entités mentionnées au dernier alinéa du 8 du II de l’article 150 0 A du code général des impôts, aux actions et droits émis à compter de la même date. Le II s'applique aux déclarations déposées à compter du 1er janvier 2010.
« Leader d’Opinion » est également disponible sur notre site Internet,à la rubrique News and Publications, sous Newsletters :
www.proskauer.com